Les inspirations

[ Les toutes premières influences ] [ Une enfance baignée dans la musique ] [ Ses goûts d'affinent durant son adolescence ]
[ Une soif continue de musique... ] [ Robert Plant ] [ Edith Piaf ] [ Nina Simone ] [ Nusrat Fateh Ali Khan ] [ Leonard Cohen ]
[ Tim Buckley ]

      Une musique mélancolique, une voix d'ange, des paroles imagées et une mélodie alternant la douceur et la violence. Cette phrase n'est pas suffisante pour résumer l'œuvre de Jeff Buckley, même si elle en révèle quelques éléments. En effet, elle ne retranscrit pas les origines variées de ses chansons, sortes de patchworks musicaux. C'est en se penchant sur les inspirations de l'auteur que l'on pourra comprendre pleinement sa musique.

Les toutes premières influences

      Pour cela, il faut d'abord s'intéresser à la personne Jeff Buckley elle-même. Né le 17 novembre 1966, J.B.était le fils de Tim Buckley, un chanteur célèbre des années 1970, et de Mary Guibert, une chanteuse classique. Dans un tel contexte, le petit Jeff s'est naturellement passionné très tôt pour la musique… En réalité, même lui ne savait pas à quel moment précis il a commencé à s'y intéresser : tous ses souvenirs, même les plus anciens, n'étaient que musique…

      Peut-être cela a-t-il débuté avec les berceuses de sa mère ? Elle avait l'habitude de lui fredonner des mélodies de Simon & Garfunkel, des Beatles ou encore de Barbra Streisand, des disques que J.B. entendait également toute la journée . Par exemple, Jeff racontait que le son de batterie de Come together l'avait perturbé toute son enfance, car il résonnait comme le bruit d'un monstrueux cadran de téléphone !
Ou bien, peut-être que sa passion s'est éveillée au cours d'un voyage en voiture durant lequel il a entendu pour la première fois le son de la pédale wah-wah ? Fasciné par ce dernier, il a imaginé qu'il ne pouvait provenir que d'un animal torturé…

      A moins que l'origine ne soit en fait les chansons en espagnol que lui apprenait sa grand-mère ? Il s'agissait de comptines expliquant comment bien se laver les mains.

Une enfance baignée dans la musique

      En tout cas, c'est à l'âge de 5 ans que Jeff a eu le droit d'acheter des disques et d'utiliser la chaîne de ses parents. A cette période, la musique est devenue une affaire personnelle pour lui. Il a commencé à se bâtir une culture musicale très diversifiée grâce à son beau-père, le second mari de sa mère. Ce dernier était mécanicien, et il avait l'habitude de ramener 5 nouveaux albums toutes les 2 semaines. Ce rituel emplissait la maison de sonorités nouvelles : les Moody Blues, Grand Funk Railroad, Joni Mitchell, Cat Stevens, Booker T...

      Mais ce qui a le plus marqué le jeune Jeff, c'était l'album Led Zeppelin 2 qu'il entendait à chaque fois qu'il montait dans la voiture de son beau-père... Il est devenu fan très tôt et a par la suite continué à aimer ce groupe. Pour lui, cette musique sonnait beaucoup plus " anarchique " que celle qu'il avait l'habitude d'entendre, comme celle des Beatles. En effet, la façon dont Robert Plant chantait faisait penser à J.B. que si le fond musical était différent, les chansons pourraient ressembler à du rhythm & blues. De plus avec Led Zeppelin, tout paraissait désaccordé, et Plant semblait parfois chanter faux… C'est en fait grâce à cet aspect de la musique du groupe que Jeff a réalisé qu'il n'existait pas vraiment de fausses notes, car malgré toutes les imperfections de la musique de Led Zeppelin, le résultat était fascinant. Enfin, la voix quasi féminine de Robert Plant a sans doute été une sorte d'inspiration…

      C'est également à l'âge de 5 ans que le petit Jeff vole la guitare de sa grand-mère et commence à en jouer. A 13 ans, il devient très compétent avec son instrument, et il achète sa première guitare électrique… Grâce à cette dernière, Jeff va comprendre qu'il veut vivre de sa passion. Un an plus tard, il compose sa première chanson et à 17 ans, il part étudier au Guitar Institute de Los Angeles.

Ses goûts s'affinent durant son adolescence

      A l'école, durant une émission éducative, J.B. découvre Edith Piaf. Il a été immédiatement terrassé, et curieusement, les chansons de Piaf sont devenues pour lui de plus en plus nécessaires avec l'âge. Il racontait qu'il avait " physiquement " besoin de l'écouter, au point de ne plus pouvoir s'en passer à l'âge de 22 ans. Le plus fascinant pour lui, c'était l'impression de mal-être qui émanait des chansons d'Edith Piaf, comme si cette femme avait été destinée depuis toujours à être malheureuse… On peut trouver ici une origine de l'aspect très mélancolique, voire pessimiste de la musique de J.B.

      Une autre grande inspiration de Jeff a été la musique de Miles Davis, découverte grâce aux goûts éclectiques de sa mère. J.B. a d'ailleurs longtemps voulu " être " le célèbre jazzman durant son jeune âge… Miles Davis lui a donné un profond amour pour le jazz, et en particulier pour la composition de la mélodie et pour l'improvisation. Pour Jeff, la musique de Davis était dénudée, très romantique.

      Jeff a également grandi avec d'autres influences directes, telles que Nina Simone, Nusrat Fateh Ali Khan et Patti Smith. Ces personnes lui ont montré que la musique pouvait être libre, pénétrante et qu'elle pouvait vous transporter par leur interprétation. Ce sont ces aspects qui l'ont motivé, et qu'il a à son tour tenté de reproduire. Chez Nina Simone, c'est surtout le son et le timbre de la voix qui l'ont attiré, ainsi que l'aspect subversif et rebelle de ses chansons.

      Jeff s'est également identifié à Nusrat Fateh Ali Khan, grâce à son image androgyne, et à son enfance difficile. En effet, Nusrat avait aussi un illustre père qui a longtemps projeté son ombre sur lui, et de plus ce chanteur était victime de moqueries dans sa jeunesse à cause de sa voix encore mal maîtrisée et trop aiguë. J.B., de son côté, a aussi toujours fait office d'extra-terrestre à l'école, car il avait une vision très décalée par rapport à son âge, ce que ses camarades n'appréciaient pas. De plus, le côté mystique du chanteur pakistanais a enchanté Jeff, fasciné par l'aspect magique de l'influence de la musique sur l'âme et le cerveau des gens.

Une soif continue de musique…

      Par la suite, Jeff a continué à s'inspirer de nombreux artistes, dont la liste serait beaucoup trop longue à écrire. Il était toujours en quête de nouveaux sons et trouvailles musicales, et il avait l'habitude de " dévaliser " les magasins de disques. Pour ne citer que quelques unes des autres influences de J.B., on peut évoquer Bessie Smith, Pink Floyd, Deep Purple, Bad Brains, Judy Garland, Bob Dylan, Duke Ellington, et plus récemment Pearl Jam, Alice and Chains…

      Bien sûr, comment ne pas citer le nom de Leonard Cohen, auteur d'Hallelujah, sans doute la plus connue des chansons interprétées par Jeff Buckley. En réalité, J.B. a déclaré avoir choisi Hallelujah pour la chanson elle-même et non pas pour son auteur. Pourtant, il reconnaît aimer l'aspect polyvalent des chansons de Cohen, qui peuvent être jouées de diverses manières. C'est une caractéristique particulière appréciée par Jeff : des chansons avec des bases solides, adaptées à toutes les situations. Ainsi, les versions de Cohen et de Buckley de Hallelujah sont réellement méconnaissables !...

      Enfin, il manque sans doute une influence majeure dans cette liste non exhaustive des origines de la musique de Jeff : c'est celle de son père, Tim Buckley. En effet, même si J.B. a toujours nié avoir été inspiré par la musique de son père, il a tout de même avoué que sa vie entière a été influencée par l'absence d'un père pourtant si célèbre, avec une ombre tellement grande. J.B. disait n'avoir jamais apprécié les albums de Tim, mais juste les avoir " observés ". C'est pourtant en faisant un concert en hommage à son père qu'il a pu commencer sa carrière à New York. Durant ce concert, il a réalisé des interprétations fascinantes de l'œuvre de son père, transcendant certaines de ses chansons.

 

      Pour conclure, étudier les origines de la musique d'un artiste est primordial pour mieux comprendre son œuvre. Cependant, ce ne sont pas les influences qui façonnent l'auteur : pour se créer une propre identité, il faut qu'il extraie l'essence de la musique de toutes ces personnes, qu'il fasse surgir le point commun à toutes ces inspirations diverses. Cela, Jeff Buckley en était convaincu, et c'est pour cela qu'il a tenté de construire une œuvre avec sa propre ossature, indépendante du passé, mais représentant le présent.

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